Le 18 août je quitte la Nouvelle-Zélande pour me rendre à 2388 km, en Nouvelle-Calédonie. 3 heures de vol et le dépaysement est total. Je quitte un hiver néozélandais pour un hiver calédonien, une dizaine de degrés d’écart. Finis polaire/pantalon/écharpe, place au short/débardeur/tong. C’est Ariane, une amie de Lyon, que je viens retrouver et qui me récupère à l’aéroport de la Tontoura. Elle est ici depuis un an en tant qu’orthophoniste. On passe chez elle à Nouméa, une grande maison avec une superbe vue à 180° sur la mer qu’elle partage avec 6 coloc’. Ça sera mon pied à terre entre mes allers et venus à Nouméa.
Week-end voilier
Mais pas le temps de se poser, on a un week-end voilier qui nous attend. Son ami Vincent nous a invités sur son bateau/maison. Une première pour moi, c’est l’aventure le temps de 2 jours. Sous un beau soleil, on part vers un îlot. On quitte Nouméa, vu de la mer cela ressemble à Nice, j’ai l’impression d’être rentrée en France. D’autant plus quand Ariane et Vincent sortent côte du Rhône, fromage, baguette et saucisson (de cerf, ici il est chassé). Les petits plaisirs français m’avaient manqué. Lors du déjeuner on a la chance de voir un dugong (une sorte de vache de mer). Et la cerise sur le gâteau, grâce à l’œil aguerri de Vincent, on aperçoit des baleines ! On reste donc aux aguets et voilà qu’on les voit tout près du bateau. On crie tous en cœur « la queue, la queue » !! Au vue de leur excitation, je comprends que c’est exceptionnel de voir des baleines ici, dans le lagon près de Nouméa, je suis chanceuse. Et le lendemain on verra des dauphins, histoire d’achever le week-end en beauté. Ce petit aperçu de la vie sur l’eau me donnerait presque envie de vivre aussi sur un voilier, mais il faut s’habituer aux espaces confinés (et avoir le pied marin peut-être…).
Île des Pins
Retour sur la terre ferme, dès le lendemain je m’envole pour 4 jours sur l’Île des Pins, au sud de la Grande Terre. Une petite île paradisiaque, aux images de carte postale. Quel plaisir de camper en bord de mer, avec plage de sable blanc. Après une première journée à marcher dans les alentours avec 4 chiens errants du camping, je pars admirer le coucher de soleil en compagnie d’autres campeurs. Ils m’invitent à me joindre à eux pour dîner et partager un bougna.
Le bougna : Principale spécialité mélanésienne de Nouvelle-Calédonie, le bougna est destiné aux grandes occasions (fêtes tribales, mariages…) ou pour honorer des hôtes. Il s’agit d’une sorte de ragoût composé d’ignames, de patates douces, de taro et de légumes avec de la viande, du poisson ou des fruits de mer. Le tout est enveloppé dans des feuilles de bananier puis placé entre des pierres chaudes dans un four en terre, recouvert de feuilles vertes pour conserver la chaleur et la vapeur. Après 1 heure 30 à 2 heures de cuisson à l’étouffée, c’est prêt !
Le lendemain, avec 2 infirmières en vacances, nous partons en pirogue traditionnelle à la piscine naturelle. Belle journée mais malheureusement nous ne serons pas les seules à la piscine. Le lieu est idyllique mais difficile de faire une photo sans un touriste dessus ! Et malgré l’eau froide, on part avec masque et tuba admirer coraux et poissons. On finit la journée avec une Manta – bière locale. Elles repartent le lendemain, je profite de ma dernière journée pour faire le tour de l’île en vélo et « prendre le temps », un conseil que j’ai beaucoup entendu sur les îles.
Week-end plongée à Poindimié
Je rentre sur Nouméa pour repartir aussitôt avec Ariane et ses colocs’ pour le week-end sur Poindimié, au nord-est de la Grande Terre. J’apprends qu’en Nouvelle-Calédonie, il faut bien penser à faire ses provisions d’alcool et de bières avant le vendredi midi pour le week-end. Il y a une restriction sur la vente d’alcool passé cette heure-là et ce jusqu’au lundi. Ça a été mis en place pour palier au problème d’alcool que connaît l’île, pas sur que ce soit une solution entre le marché noir et ceux qui partent avec un plein cadi d’alcool dès le vendredi matin… Week-end plongée pour toute la coloc’ qui ont tous niveau 1 ou 2 – la Calédonie est un des meilleurs spot pour la plongée. Pour ma part ça sera petite rando, une première approche des paysages de la Grande Terre. Je fais aussi la rencontre de Mathilde, la sœur d’un des colocs’ d’Ariane.
Lifou
Et c’est avec elle que ce lundi matin je pars sur Lifou, une des îles Loyauté. Nos premières heures sur l’île ont été un peu difficiles… Nous n’avions pas réservé de voitures et aucune de libre à l’arrivée. C’est la saison des mariages, beaucoup de familles vivant sur la Grande Terre viennent sur les îles – et empruntent toutes les voitures ! Et après s’être fais pigeonnées par un guide qui n’en voulait qu’à notre argent, on finit par avoir une voiture qu’on ne gardera qu’une journée pour visiter le nord de l’île. Sur les 4 jours 1/2, une seule sera ensoleillée… Du coup on découvre le nord sous la grisaille. Pourtant les falaises de Jokin sont un bon spot pour le coucher de soleil, quand il est là… On se rend à Wé, le centre administratif de l’île, pour y dormir. Grâce aux bouches à oreilles, on a trouvé un Airbnb, chez Marcy, une infirmière-baroudeuse. Pas de camping cette semaine (pas si mal vu la pluie qui tombera le lendemain). Et malgré la pluie, ce mardi nous partons voir un trou d’eau. Jean-Pierre, notre guide, nous y emmène, on n’avait pas été informé qu’il y avait tout de même 30 minutes de marche en forêt sur les coraux, autant dire qu’on était déjà trempé avant d’aller se baigner dans le trou d’eau ! Abrité par la grotte de Kaqrafinth, on se baigne, on saute dans ce trou dont le bleu de l’eau est merveilleux. Et malgré qu’on dégouline au retour, on ne s’arrête pas là, Jean-Pierre nous emmène voir un sculpteur, Paul, une sacrée rencontre. On passe un très bon moment tous les quatre, trempées et frigorifiées, on se réchauffe avec une citronnelle en écoutant Paul, un peu stone, parler de la vie. Il nous montre son travail en photo, il fait de superbes colliers en bois de Santal – un bois qui sent très bon, on peut utiliser sa poudre comme de l’encens.
Et on les retrouve tous les deux le lendemain pour visiter le sud. On part avec le fils à Paul et ses cousins, tous dans la benne du pick-up et Jean-Pierre fait le guide. On finit la journée en beauté car après nous être « pété le bide » chez Jean-Pierre (riz coco/saucisses et papaye/corossol en dessert), nous avons l’opportunité de dormir dans la case de sa tante après avoir fait la coutume.
La coutume : La coutume est l’élément fondamental de l’identité kanak. L’échange de présents (ignames, tissus, monnaie kanak) est un élément central dans la coutume, car il génère une trame d’obligations mutuelles très respectées, sous la forme d’un système de dons et de contre-dons. Celui qui offre un cadeau tire du prestige de son geste tout en créant une obligation que le récipiendaire n’oubliera jamais de rendre – c’est une reconnaissance mutuelle. À tous les stades importants de la vie, on donne des cadeaux, on fait des offrandes symboliques et on palabre ; la parole et le discours sont également très importants dans la coutume. Avant de pénétrer dans la maison d’un chef, les Kanak offrent un petit cadeau en signe de respect ; ils “font la coutume”. De même, si vous avez le privilège d’être invité dans une tribu, faites la coutume en apportant un morceau de manou (coupon d’étoffe colorée en vente dans la plupart des boutiques moyennant quelques centaines de francs CFP), un T-shirt, de l’argent (un billet de 500 ou de 1 000 CFP suffit) ou un paquet de cigarettes ou de riz – plus que l’objet, c’est le geste qui compte, la marque d’attention. (Merci Lonely Planet)
Chaque famille possède une ou plusieurs cases, rondes à Lifou, et il existe des plus grandes pour la chefferie. Elles sont faites de bois et de palmes de cocotier tressées. Une porte basse permet de rentrer, invitant donc à se baisser comme marque de respect. A l’intérieur, un pilier central qui a une fonction totémique et un foyer à l’entrée. Il fait donc chaud à l’intérieur, mais ça ne sera pas ma plus belle nuit, je me suis faite dévorer par les moustiques.
Ma dernière journée sur l’île sera bien remplie, nous nous rendons tout au sud voir les piscines naturelles au Cap des Pins pour remonter en stop à Kiki Beach, deux magnifiques coins de l’île immanquables. L’autostop n’est vraiment pas risqué sur les îles, nous faisons de belles rencontres et nous en apprenons encore plus sur Lifou. Je repars ce vendredi matin, Mathilde reste pour la fête du Miel et du Santal. Et j’en profite jusqu’au bout en allant faire du PMT (Palme Masque Tuba) à l’aquarium à la baie de Jinek (car évidemment il fait grand beau le jour du départ).
Thio
De nouveau sur la Grande Terre, et après un week-end festoche avec Ariane et sa bande, une nouvelle semaine de boulot recommence pour tous, pas pour moi ! Du coup j’accompagne Ariane à Thio, « capitale de l’or vert ». Situé sur la cote Est, on y extrait le nickel depuis 1875. Cette ville résume à elle seule l’histoire industrielle du territoire. Le nickel est une des principales ressources de la Nouvelle-Calédonie mais depuis 2016, le territoire connait une crise du nickel. Ariane travaille au dispensaire tous les lundi/mardi. J’en profite pour voir les environs, visiter le musée, rencontrer ses collègues. Ariane m’avait prévenu, le stop sur la Grande Terre n’est pas conseillé, surtout seule. Du coup j’abandonne l’idée – surtout que tout le monde me le déconseille – et retourne sur Nouméa.
La Grande Terre
Et finalement, Noémie, une de ses colocs’ se rend le lendemain sur Poé avec des amis et me propose de l’accompagner. Là débute donc mon road trip sur la Grande Terre. Je passe deux belles journées avec eux (randonnées, plages, barbecue, apéro,…) puis je continue seule vers le nord.
Je décide de m’offrir le luxe de louer une voiture. Toujours pas plus organisée qu’à Lifou, trouver une voiture disponible n’est pas chose facile. Sur ma route je rencontre Yves et sa famille, des gens extras qui m’ont aidée à en trouver une. Je pars dormir le soir même à Voh. Tout le monde connait le cœur de Voh – la célèbre photo de couverture La Terre vue du ciel de Yann Arthus-Bertrand mais saviez-vous qu’il était situé ici ? Je l’ai tout juste appris mais il plus difficile à voir vu du sol… Je monte jusqu’au point le plus au nord de la Nouvelle-Calédonie. Cela fait beaucoup de route mais elle est vraiment belle, tout comme l’arrivée. Je campe dans un coin de Paradis, près de marais salant. Le soir je m’offre le restaurant car c’est en table d’hôtes. Donc en plus de bien manger, je partage le dîner avec d’autres touristes ou locaux. On parle voyage, France et référendum.
Car le 4 novembre prochain, ils doivent voter pour ou contre l’indépendance. Le non risque de l’emporter, mais beaucoup de Kanaks souhaitent l’indépendance. D’ailleurs en prenant la route pour la cote Est, on peut voir qu’on est chez eux, il y a beaucoup de drapeaux Kanaki partout en bord de route ainsi que des bannières incitant à voter Oui. Cette partie-là de la Calédonie est magnifique, plus verdoyante, plus sauvage. Un premier arrêt à Hienghen puis un deuxième à Poindimié. Je rends la voiture à Koné, l’occasion de refaire un petit coucou à Yves et sa famille qui m’accueillent gentiment pour la nuit. De retour à Poé pour trois jours où je retrouve Claire et Gwën rencontrées à Poindimié avant de rentrer sur Nouméa.
Je retrouve la coloc’ sans Ariane qui est rentrée en France pour une quinzaine de jours. Et je vais pouvoir en profiter jusqu’au bout grâce à Ariane qui me prête sa voiture pour me rendre dans le Sud qui offre des paysages très différents fait de terre rouge qui contraste avec le vert des montagnes. De nombreuses randonnées sont possibles dans le parc de la Rivière Bleue, l’une d’elle m’offre un super point de vue sur le lac artificiel de Yaté, la forêt noyée et la rivière bleue.
Et avant de partir, j’ai pu « lever un sel » avec Rémi, un des coloc’, dans un nakamal. Importés du Vanuatu, les nakamals sont des bars mélanésiens. On peut y boire le kava, une boisson légèrement euphorisante à base de plantes. « Lever un sel » car le “sel” c’est le récipient dans lequel on boit le kava, une demi noix de coco. Il s’agit d’une déformation de “shell” (= coquillage en anglais), puisqu’on le buvait avant dans un coquillage au Vanuatu.
Voilà, un mois intense et enrichissant en Calédonie s’achève. J’ai été un peu surprise par le niveau de vie très élevé – transport, activités, nourriture, alcool (surtout mon compte en banque en fait), bien qu’on m’ait avertie je ne m’attendais pas que ce soit à ce point. Et surtout triste qu’il soit si difficile en tant que fille seule de voyager sur l’île – surtout du à l’alcool et à la violence que ça engendre entre les kanaks. On m’a tellement dit de ne pas faire de stop, de ne pas aller marcher toute seule. J’ai fini moi-même par être un peu apeurée et je me suis rendue compte de ce fait que je suis moins allée à la rencontre des locaux. Mais ces petites contrariétés n’ont en rien gâché ce magnifique voyage. Il y a beaucoup à voir, à faire et à apprendre sur la vie ici. « Olé » (merci en Kanak) Ariane et la coloc’ de l’espace, c’est en partie grâce à vous que cette aventure calédonienne a été si belle !
« En route, le mieux c’est de se perdre. Lorsqu’on s’égare, les projets font place aux surprises et c’est alors que le voyage commence » Jean-Pierre
Merci Mathilde pour cette belle découverte, encore une fois tu nous as fait voyager avec ce beau reportage et toutes ces belles photos, bonne continuation et gros bisous, Michel.