Istanbul, l’arrivée
Mercredi 19 octobre, dernier ferry du voyage sur la mer de Marmara. J’arrive à Istanbul avec la pluie. A peine mis les pieds sur terre, je n’ai pas le temps de réaliser, j’enfile le K-way, installe le GPS direction l’auberge de jeunesse, 2km. Je découvre les joies de pédaler à Istanbul, le trafic, les pavés, les bus… Mais ça y est, le vélo est entreposé au sous-sol de l’auberge, il ne bougera pas pour les six prochains jours ! Je pose mes affaires dans ma chambre, 8 lits, 7 mecs, ça sent le fennec ! Ca y est, maintenant je peux prendre le temps de réaliser. M’y voilà, Objectif atteint. Il m’a fallu moins de cent jours pour atteindre ma destination, 99 jours exactement. Et comme le dit le dicton, ce n’est pas tant Istanbul qui comptait, mais tous les chemins qui m’y ont menés. 99 jours d’aventures. Et maintenant je me sens un peu perdue dans cette immense métropole. J’ai six jours pour arpenter tous les recoins d’Istanbul ! Enfin tous les recoins… Istanbul et son agglomération c’est plus de 5300km²– environ deux fois Paris – et plus de 16 millions d’habitants. Autant dire qu’en six jours, je ne verrai qu’une infime partie de cette ville marquée par son Histoire et sa culture.
A la découverte d’Istanbul
Dès mon arrivée, je me plonge dans l’ambiance. Mon auberge est en pleine zone touristique, à deux pas du cœur historique, dans le quartier de Sultanahmet. Donc en deux minutes me voilà perdue au milieu de la foule, je ne suis pas seule à visiter Istanbul. Victuailles plein les sacoches que m’ont gentiment données les familles sur la route, je pique nique face à la célèbre Sainte Sophie – Hagía Sophía. Construite au IVème siècle sous l’empire byzantin, l’église devient mosquée lors de la prise de Constantinople en 1453. Icône de la ville d’Istanbul, inscrite en 1985 au Patrimoine mondial de l’UNESCO, elle se mérite. La queue est trèèèèès longue. Il faut compter au moins une heure d’attente, autant dire que je remets cette visite à plus tard. A la place, je vais déambuler dans les rues. Je découvre le Grand Bazar, plus grand marché couvert au monde, 4000 boutiques. Un vrai labyrinthe aux milles couleurs. Puis le Bazar Egyptien, beaucoup plus petit, mais tout aussi coloré et encore plus alléchant avec sucrerie turque et épices. Changement de décor, je visite ma première mosquée turque en allant à la Mosquée Neuve (Yeni Camii). Située au bord de la Corne d’Or dans le quartier d’Eminönü, on la voit de très loin. Et elle est aussi grandiose de l’intérieur que de l’extérieur. Tout en mosaïque, en bleu et rouge, spectaculaire et immense. Le contraste est saisissant avec la ville et les bazars qui fourmillent. Une fois déchaussée, me voilà au calme. A peine sortie, je rencontre un turc qui m’offre un café. J’accepte, l’avantage du café turc c’est qu’il est se boit très vite, ça ne m’engage à rien. Bon il me cite tous les acteurs français qu’il connait, pas très intéressant. Donc quand il me propose de me guider dans Istanbul, je le remercie gentiment, je préfère visiter la ville toute seule. Et là, Monsieur n’est pas content. Il se met un peu en colère ne comprenant pas que je préfère être seule qu’avec lui. Voilà le premier mec d’une longue série – sur le chemin du retour – qui pense qu’une femme seule a forcément besoin d’un homme. Bon j’ai eu un café gratuit et des toilettes. Je reprends ma route, seule et heureuse. Je continue à errer dans les rues d’Istanbul, avec de belles découvertes à chaque coin de rue. Et pour marquer cette première journée à Istanbul mais surtout pour célébrer mes 4370km qui m’ont amenés jusqu’ici, je m’offre ma première bière turque !
Petit-déjeuner inclus dans le prix de l’auberge (17€/nuit), je profite de l’assiette copieuse tous les matins sur le toit, offrant de très beaux lever de soleil. L’occasion de rencontrer aussi d’autres personnes de l’auberge, bizarrement surtout des hommes. Mais je préfère aller à la découverte d’Istanbul toute seule. Il y a tant à faire, autant organiser mes journées comme je le souhaite. Profiter aussi des soirées : où que tu sois à Istanbul, il y a toujours un magnifique coucher de soleil !
Je m’offre une visite guidée pour en apprendre davantage sur Istanbul, sa partie Europe mais aussi Asiatique. Il suffit de 20 minutes en ferry sur le Bosphore pour passer d’un continent à l’autre – il y a aussi le métro, mais ça n’a pas autant de charme. Le Bosphore est le détroit qui relie la mer Noire à la mer de Marmara et qui coupe Istanbul en deux. La partie Asie est moins touristique, plus authentique. Les prix sont donc plus bas, tu n’as pas l’impression de te faire arnaquer à chaque repas. Je profite de ce passage en Asie pour m’offrir un bain turc. Contrairement aux prix pratiqués dans les quartiers européens, je trouve ici des bains turcs pour pas cher – environ 10€. Expérience géniale. Bain non mixte, je me retrouve au milieu de mamas turques en culotte. Il ne faut pas être pudique. Ni une, ni deux, me voilà sous l’aile de l’une d’entre elles qui travaille ici. Elle ne parle pas anglais, nous parlons donc en langue des signes. Je fais tout ce qu’elle me dit : hammam, bassine d’eau qu’elle m’asperge sur la tête, sauna, massage au gant noir, massage avec voile nuageux de mousse de savon. J’adore, très relaxant. Je peux continuer cette belle journée en Asie avec des découvertes culinaires comme le sandwich Kokoreç – fait d’abats d’agneaux enroulés sur une broche et grillés ; Mercimek çorbası – soupe de lentilles corail ou encore le dessert Künefe – à base de kadaif (fines nouilles turques), fromage chaud et sirop, très spécial. Je rentre de nuit par bateau sur le continent européen, c’est magique, on dirait Noël avant l’heure avec toutes ces illuminations et le froid qui s’installe.
Mes autres journées sont aussi bien occupées. Entre les visites culturelles comme le musée d’archéologie, le musée des arts turcs et islamique ou encore les visites des différents quartiers comme Karaköy, Eminönü (où se trouve la majestueuse mosquée Süleymaniye perchée sur sa colline), le quartier de Balat sur la rive de la Corne d’Or (ancien quartier juif), il y a de quoi faire à Istanbul. Mais six jours m’auront suffit. Je ne suis pas citadine et cette ville – qui n’est pas du tout à taille humaine – demande beaucoup d’énergie. Ca fourmille de partout, tout le temps. Je réussis tout de même avant de partir à visiter la Mosquée de Sainte Sophie mais de nuit. Car tôt le matin ce n’est pas possible, il y a déjà la queue une heure avant l’ouverture. Malgré les nombreux touristes qu’il y a encore à 21h, je peux admirer l’immensité de cette mosquée bien qu’un peu sombre à cette heure-ci. (Et pour les personnes qui se demandent si j’ai visité la célèbre Mosquée Bleue, non, malheureusement elle était en rénovation lors de mon passage).
Je passe mon dernier jour en compagnie d’un canadien amateur de grandes randonnées. De quoi me donner d’autres idées d’aventures… Et c’est toujours intéressant de rencontrer d’autres voyageurs et de croiser nos regards sur la vie. Après quelques bières et un kebab, chacun reprend sa route. Il part à Dubaï où il est en train de lancer sa ferme verticale. De mon côté, je dépoussière mon vélo. Avant de partir, je rencontre (rapidement) une femme qui cherche un taxi pour transporter son énorme bagage. C’est toute sa vie. Elle est iranienne, elle fuit son pays. Ayant déjà été arrêtée pour avoir manifesté, et ne voulant pas se taire, elle est obligée de fuir sinon c’est la prison. Elle se réfugie en Turquie. Moi qui ai la chance d’être libre et voyager, difficile d’imaginer la vie de ces femmes obligées de quitter leur pays car leur droits et leur liberté sont bafoués. Je quitte la Turquie sur cette triste note.
C’est l’heure de repartir !
Je dois pédaler seulement 10 kilomètres pour me rendre de l’auberge à la gare routière. Il m’a fallu 1h15 et sans dénivelé. Autant dire que non, ce n’est pas une légende, rouler dans Istanbul c’est compliqué ! C’est un tel capharnaüm avec les voitures, que même en vélo je ne passe pas dans les rues, obligée de subir les bouchons ! Plus les quelques détours entre les rues fermées ou moi qui me trompe, et le GPS qui me fait passer par une route à grande vitesse et le déchirement d’une de mes sacoches, ces 10km à Istanbul furent épiques ! Et je ne suis pas tranquille tant que je ne serai pas à 100% sûre que mon vélo est avec moi dans les soutes du bus. Car repartir d’Istanbul c’est le plus compliqué. A vélo, impossible, trop dangereux ; en train, impossible, le vélo n’est pas accepté dans les trains internationaux. Ce sera donc en bus. (Je n’ai pas envisagé une seule seconde de prendre l’avion). J’attends 20h30. Quand j’apparais sur le quai avec mon vélo, le chauffeur pâlit. Ça ne me rassure pas… Mais c’est sans compter sur la gentillesse et l’efficacité des Turcs ! En deux temps trois mouvements, on trouve un coin où caser mon vélo. Tout le monde m’aide pour démonter la roue avant. Les bagages sont dans un coin, une roue dans un autre, le reste du vélo par-dessus. Parfait. Y a plus qu’à s’installer dans le bus, parée pour 8h de route. La nuit va être longue… Mais c’est pour un nouveau départ, le froid s’installe, il faut prendre le chemin du retour. Il faut aussi retrouver la motivation de pédaler, et là c’est un peu dur après avoir atteint mon but. Mais de nouvelles aventures (et de mésaventures) m’attendent sur la route du retour ! En vélo, on ne s’ennuie jamais…
Merci Mathilde pour la visite, bonne continuation, Michel.
Encore une fois bravo 👏