Solitude, pluie et limaces
Le moral en berne, me revoilà à pédaler toute seule. Le sentiment de solitude est énorme après avoir passé une semaine à 3. J’étais prête à faire demi-tour avec eux !! Surtout que même le lac de Traunsee que je longe n’arrive pas à me remotiver. Surtout parce qu’aussi je me prends un bel orage, m’obligeant à déjeuner à l’abri sous un toboggan. Je pédale, ruminant ma solitude qui pèse autant son poids que mes bagages, heureusement que c’est tout plat ! Et puis un gars dans la rue lève son pouce en me voyant, premier signe qui me fait sourire et apprécier le moment. Le paysage change aussi, les montagnes disparaissent petit à petit pour laisser place aux champs et aux prairies. Et puis je vois le ciel s’assombrir de nouveau. Bientôt 18h, il est temps de trouver un abri. Je regarde chez les gens, à la recherche de quelqu’un dans son jardin. Là, dans la cour d’une grosse ferme se trouve une femme et son chien discutant avec un vieux monsieur. Je lui demande s’il serait possible de planter ma tente sur son terrain pour la nuit. Elle me propose encore mieux : une énorme cage à poule, non c’est leur terrasse d’été, abritée ! J’apprends à connaître Tania, son chien Benji et son fils. Rapidement, elle me propose de dîner avec eux. Je découvre les habitudes autrichiennes. Son mari dînera plus tard, il s’occupe de la ferme de cochons, 300 bêtes ça fait du boulot (et ça pue un peu). Je suis contente car pour une fois, c’est avec la femme de la famille que je discute et qui me prend sous son aile. Car très souvent, au premier abord, les hommes sont moins craintifs. Et après une nuit en compagnie de limaces (je crois qu’aucune ne m’est montée dessus durant la nuit), je petit-déjeune avec eux, le même repas que la veille, pain, fromage, charcuterie. Ce fut une très belle rencontre, qui m’a remonté le moral au moment où j’en avais besoin. Et me dire que l’aventure mérite d’être poursuivie !
Direction le Danube
Et voilà, après avoir pris des petits détours, je vais à la rencontre du Danube, en dessous de la ville de Linz. J’avais un peu hâte, car l’eurovélo 6 est une piste cyclable très connue parmi les cyclovoyageurs qui longe le Danube depuis l’Allemagne à la mer noire. Alors comme je suis un peu excitée, cette première journée est agréable. Je longe le Danube sur la rive droite jusqu’à Wallsee. Je partage un bout de route avec Cyna, une autrichienne de 65ans qui est partagée avec l’envie de découvrir le monde et son mari malade qui la retient chez elle. En pleine forme, elle profite de petits tours en vélo électrique. À Wallsee, une petite ville au bord du Danube, je m’arrête prendre un goûter. Un Marillenkuchen, un gâteau maison à l’amande et à l’abricot, une pâtisserie locale. Ce gâteau fut la base d’une superbe rencontre car les gérants Hantz et Manuella à la tête du restaurant/café m’ont offert beaucoup plus. Ayant un énorme terrain de gazon, ils me proposent de planter ma tente ici. Parfait ! Le hic, c’est que je ne l’ai pas plantée tout de suite. Entre il y a eu un nombre incalculable de shooters de vodka/fraise, liqueur faite par le patron, très bonne et rafraîchissante. Et dès que mon verre de blanc se finissait, Hantz le remplissait. Il m’offre des spatzle aux fromages, délicieux plat qui me permet aussi d’éponger. Je passe une superbe soirée entourée des locaux tous curieux de mon périple. Tous ne parlent pas anglais mais la magie opère. Hantz, qui aime les pierres et la médecine alternative, m’offre un collier en me disant qu’il peut voir mon aura, qu’il y a une très belle lumière autour de moi. Je suis touchée. Et je trouve que ça résonne avec tous les beaux moments que j’ai eu la chance de vivre jusqu’à présent. Et comme il est 1h du matin, une tente toujours pas montée, Hantz me propose finalement de dormir dans le bar! Au moins je suis à l’abri des moustiques. Il rentre chez lui, je suis gardienne de bar ce soir, quelle confiance !
Pour rejoindre Vienne, c’est toujours tout droit…
Après un petit déjeuner copieux au restaurant avec Manuella et Hantz, je reprends la route. J’ai encore 190km environ pour rejoindre Vienne et je veux y arriver en deux jours. Autant dire que je ne vais pas chômer. Pour varier un peu, je change de rive régulièrement. Heureusement que je traverse de jolis petits villages, c’est un peu moins monotone. Je pensais qu’il y aurait plus de monde sur cette piste cyclable. Je rencontre quelques personnes tout de même, le temps de partager quelques kilomètres ensemble et papoter comme on peut. Ça rebooste et permet de ne pas avoir toujours le nez sur ce compteur qui ne fait pas avancer les kilomètres très vite je trouve. Je traverse Melk, autre rive, autre ambiance. Oui l’abbaye bénédictine est magnifique, mais avec les bateaux de croisière qui s’y arrêtent, c’est aussi un lâcher d’octogénaires… Hop quelques photos et je repars. Et j’arrive bientôt dans la région de Wachau, dont beaucoup de locaux m’ont parlé. Effectivement, les paysages changent. Les vignes, les vergers (pays de l’abricot), les villages, les beaux domaines, ce décor est idéal pour une balade en vélo ! Il y a aussi plus de monde. De quoi me donner du courage et aller jusqu’à un camping à Krems, un peu cher mais l’occasion de rencontrer une américaine, Heather, baroudeuse et professeur à travers le monde. 100km de vélo, heureusement sur du plat, mais après une courte nuit, plutôt fière de moi.
Allez plus que 80km, les doigts dans le nez pour rejoindre Vienne. Haha comme très souvent je m’emballe. Parce que le vent en a décidé autrement. Déjà que les premiers kilomètres me paraissaient long ce jour-là, je suis au bord du Danube, de grandes lignes droites, à ma gauche le fleuve – oui là encore je change de rive pour m’occuper et passer les barrages – et à ma droite, la forêt. Je m’ennuie un peu. Mais petit à petit, le vent se lève. Mon moral s’envole avec lui. Sur du plat, me voilà en train de faire du 13km/h. Ça devient interminablement long. Heureusement Vienne est bientôt là. Au bout du fleuve se trouvent les immeubles, les building, les autoroutes ! Le camping est le long de l’EV6, je n’ai qu’à aller… tout droit. Je traverse l’île de Vienne. Je retrouve le monde, on est samedi, lieu de rendez-vous des Viennois pour pique niquer (ça sent si bon les barbecues !!) et se baigner. Moi je “fonce”. Je suis fatiguée mais heureuse d’arriver ! Comme tout camping en bord de grosse ville, celui-ci n’est pas très agréable, et surtout cher mais il est idéal pour poser ma tente pour deux nuits. Et quoi de mieux pour se remonter le moral qu’une bière et une pizza partagées (et offert) par trois autrichiens Alex, Jürgen and Bernd qui viennent de faire en une semaine ce que j’ai fait en deux. Ils viennent de Dornbirn, à côté de Hohenems, là où tout à commencé en Autriche. Une soirée inattendue et très agréable passée avec des passionnés de vélo (et de marche!)
Vienne, ses palais, ses musées et son Kaiserschmarrn !!
Une journée intense m’attend dans la capitale autrichienne. D’abord parce qu’il me faut 30min de vélo pour juste rejoindre le centre ville. Départ matinal, je peux prendre mon petit déjeuner sur place. Un café et un croissant salé pour prendre de l’énergie avant de participer à une visite guidée de la ville. Je suis adepte des “free walking tour”, un bon moyen d’avoir un premier aperçu de la ville, des anecdotes, de rencontrer d’autres voyageurs et on donne le pourboire que l’on veut à la fin. C’est en anglais, ça demande donc 2h30 de concentration. Et en prime, on a la pluie ! Heureusement j’ai pensé à mon k-way. J’en apprends davantage sur l’histoire de Vienne et de l’Autriche, l’influence de la famille Habsbourg et son empire, l’impératrice Sissi, les spécialités locales en terminant sur sa belle cathédrale. Vienne est splendide. À chaque coin de rues, des bâtiments tous plus ostentatoires les uns que les autres. Je profite de mon dernier déjeuner autrichien pour manger une Goulash avec Spatzle. Pour digérer et avoir de l’appétit pour le goûter, je visite le musée de Vienne qui reprend toute l’histoire de la ville (très riche collection) et une exposition temporaire sur le mouvement mené par Klimt, Stuck, Liebermann, La Secession viennoise. Après 2h d’errance, je mérite donc, enfin, de goûter au Kaiserschmarrn! Depuis le temps que j’en rêvais. C’est un dessert qui est souvent mangé dans les refuges en montagne. Je pense que je l’aurais davantage savouré après une grosse randonnée mais ravie de pouvoir le goûter ici à Vienne. C’est un pancake émietté et caramélisé servi avec de la compote. Un régal. Pour terminer la journée, je finis de visiter les beaux quartiers et le Prater où se trouve une vieille fête foraine. Freinée par la pluie, je finis par rentrer, trempée. Et pour clore cette aventure autrichienne, je dîne avec un couple de français voyageant eux aussi en vélo. Ils viennent de Budapest, la direction que je m’apprête à prendre. Échangeant nos aventures, nos anecdotes, nos façons de voyager et surtout du chocolat, jusqu’au bout, l’Autriche m’aura apporté bien plus que je ne l’aurais imaginé !
Quelle belle aventure !
Tu nous embarques avec tes incroyables récits.! Quel plaisir de te lire!