Rendez-vous en terre connue : la Turquie, 2ème partie – 170 km

La fin du périple en vélo approche. Il ne me reste plus que quelques kilomètres – environ 230. Ce n’est pas grand chose mais cela suffit pour encore vivre de nombreuses péripéties. Me voilà prête à découvrir la péninsule de Gallipoli. Celle-ci forme la partie nord du détroit des Dardanelles reliant la mer Egée à la mer de Marmara. Le vent s’est calmé ce matin-là en bord de mer. Mon plan aujourd’hui : démarrer tôt pour arriver tôt sur Çanakkale et avoir le temps de visiter la ville cet après-midi. Comme beaucoup de mes plans, celui-ci tombe rapidement à l’eau. 6h30, je plie et décolle pour prendre le petit-déjeuner au village qui est à 2km. En haut de la côte, pneu à plat ! Un jour, une crevaison ! J’ai envie de pleurer. Bon l’avantage c’est que cette fois-ci je ne suis pas seule en plein cagnard. Rapidement, des motards en vacances ici viennent m’aider. Et l’affaire tourne en vrai casse-tête ! Car eux non plus n’arrivent pas à réparer ma chambre à air. Mon pneu est tellement foutu que même quand on pense que c’est bon, ça ne l’est pas ! Deux, puis cinq puis une dizaine d’hommes s’attroupent autour de mon pneu. L’heure tourne, 9h30, je commence à avoir vraiment faim. Le gérant du petit restaurant où je me suis arrêtée pour demander de l’aide, m’offre une soupe aux champignons (petit-déj turc) et sa maman des beignets ! Ils ne veulent pas que je paie… Voilà comment une crevaison entraîne de beaux moments d’entraide et de partage. Personne ne parle anglais mais on arrive à se comprendre. Après un faux départ, des rustines “turcs”, plusieurs démontages/remontages, j’arrive à partir, il est 11h… Ne jamais faire de plan, l’imprévu c’est génial aussi. Bon j’ai bien compris qu’une fois à Çanakkale il faudra trouver un magasin de vélo et changer mon pneu arrière. En attendant, j’ai encore une soixantaine de kilomètres. 

60 km qui passent vite, vent dans le dos, je dois aller jusqu’à Eceabat pour prendre le ferry. Il y a bien un pont qui relie les deux continents mais interdit aux vélos. Je me fais doubler par beaucoup de camions de pompier sirène hurlant, il y a un énorme feu de forêt de l’autre côté de la péninsule. Arrivée à Eceabat, je saute dans le ferry qui est à quai. Même pas à attendre. 30 minutes de ferry pour traverser le détroit des Dardanelles et me voilà sur le continent asiatique ! Petite excitation qui retombe très vite : mon pneu arrière est de nouveau à plat ! Démotivée, je m’embête même plus à le gonfler. Comme je n’ai pas internet et donc pas google pour trouver un magasin de vélo, je vais demander à l’office du tourisme. Et là je tombe sur un guide super sympa qui a fini sa journée, il prend le temps de m’emmener à pied jusqu’au magasin ! Nouveau pneu arrière et un stock de chambres à air neuves, vu mes trois derniers jours de galère… 17h, impossible de rester visiter la ville malheureusement. Pas de camping par ici, je dois longer la côte pour (enfin) en trouver un qui existe vraiment (ne pas toujours se fier à Google maps…). Il est 19h et après une journée pleine de rebondissement je suis épuisée. Je peux profiter du coucher de soleil sur la mer à travers les pins du camping. Je refuse même la gentille proposition des gérants qui me proposent de manger avec eux. Mais j’ai bien fait car eux dînent à l’heure où moi je vais me coucher ! Ils m’offrent tout de même des sardines grillées, pour mon dessert… 

Du coup, forcément le lendemain je suis la première levée… avec le cheval du camping qui erre, normal. Comme je n’ai rien pour le petit-déjeuner, j’avais demandé à le prendre au camping. Mais pour ça, il faut que j’attende que tout le monde se lève… ça me laisse le temps de prendre une décision. Continuer à avancer ou prendre une journée pour visiter Çanakkale. Après un petit-déjeuner copieux fait de “pancake” au fromage, je rencontre mes voisins de camping. Une petite famille adorable qui me propose de goûter à leur petit-déjeuner !! Je mange tout en double en Turquie… Et après discussion très intéressante, le mari me convainc de prendre le temps de visiter la ville. Il est midi, je retourne donc en arrière laissant mes affaires au camping pour une deuxième nuit. Malheureusement le musée qui m’intéresse est de l’autre côté de la mer, là où j’ai pris le ferry la veille. Il y a le musée sur l’histoire de la bataille des Dardanelles. Ayant vécu en Nouvelle-Zélande, je suis super intéressée par ce lieu chargé d’Histoire. En effet, lors de la première guerre mondiale, un conflit éclate entre l’Empire ottoman et les forces alliées (France, Royaume Uni ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande). Ces derniers commémorent chaque année l’ANZAC day le 25 avril, jour du débarquement sur la péninsule de Gallipoli où de nombreux australiens/néo zélandais y ont laissé leur vie. Je reste donc à Çanakkale cet après-midi et me rabat sur le musée de la marine navale. Super intéressant aussi, on y relate la guerre des Dardanelles. Je reste au moins 2h et je peux même visiter un sous-marin avec une petite visite privée en français. Ce sont des militaires qui s’occupent du musée et j’ai l’occasion de discuter un peu avec certains d’entre eux. Super moment historique. Place à un moment de détente en sirotant un iced coffee avant de rentrer au camping finir la soirée. 

Il est temps de reprendre la route. Ce matin j’ai encore rendez-vous avec l’Histoire. Mais beaucoup plus primitive. Direction Troie. Alors peut-être que vous êtes comme moi, et découvrez que cette ville légendaire est située ici, près de la mer Egée ! Cette partie de la Turquie est si riche en Histoire que je regrette de ne pas m’éterniser davantage. Car je visite le site archéologique très rapidement (bon faut dire qu’il n’y a plus grand chose à voir, on peut y voir les différentes strates de Troie I (3000-2550 av. J.-C.) à Troie IX (85 av. J.-C.- 500/600 ap. J.-C). Par contre, il y a un super musée archéologique sur 3 étages, qui a ouvert en 2018. Malheureusement je n’ai pas beaucoup de temps pour le visiter car il faut que j’arrive ce soir en bord de mer pour trouver des campings (soit encore 70km et un peu de grimpettes). Alors je fais une visite express, davantage pour dire que j’y étais que pour vraiment reconstituer l’Histoire de Troie… 11h30 il est temps de repartir. Je pédale un peu avant de m’arrêter manger dans une petite ville. Je trouve une terrasse à l’ombre, des voisins un peu lourds mais tout de même sympathiques qui m’offrent d’ énormes figues après déjà un copieux repas. Prête à affronter le dénivelé, je m’impatiente déjà d’être de nouveau en bord de mer, retrouver une superbe vue et surtout du plat. Sauf qu’après une belle descente, me voilà face au vent. Je rage ! Et en plus les bords de mer sont tous privés, pas de vue. Mais beaucoup de campings. J’ai l’embarras du choix, mais je décide d’avancer pour avoir moins à pédaler le lendemain. Finalement après un premier complet, je vais à un deuxième qui donne directement sur la mer. Cette soirée est très spéciale puisque c’est la dernière du périple ! Sensation étrange, à la fois heureuse d’être arrivée à destination, mais déjà nostalgique de ces deux mois et demi d’aventure à vélo et un peu triste de devoir bientôt poser le vélo. Mais je sais aussi que le voyage n’est pas fini. Alors d’abord je profite de ma dernière soirée solo. Une baignade, une bière pour arroser tous ces kilomètres, et un dîner un peu étrange. Je voulais juste m’offrir un petit dîner turc, je me retrouve dans un resto “chic”, avec un menu unique et commun pour tout le monde !! Comme personne ne parle bien anglais, je comprends rien à ce qu’il m’arrive. La situation est assez drôle, je me retrouve à manger salades, soupe de champignons, poisson, et dessert !! Je suis repue, il est temps de profiter de ma dernière nuit sous ma tente. 

Car le lendemain, seulement 70km me séparent de ma destination, le village de Dereören où je retrouverais la famille de Cansu. Elle m’a invité à son mariage qui a lieu dans une semaine, je suis pile à l’heure. Mais avant ça, il faut faire ces dernières heures de vélo. Après une grasse mat’ jusqu’à 7h et un petit dèj’ en bord de mer, je prends mon temps et longe la mer jusqu’à Edremit, la grosse ville du coin. Rapidement j’ai le vent de face, je déchante. Finalement c’est pas si mal que je fasse une pause vélo !! Un petit sandwich local pour me booster et finir mes derniers kilomètres. Mais une fois à Edremit, je connais la route. Me voilà en terre connue. Je vais en direction d’Havran, la petite ville que je connais bien pour y avoir passé du temps avec Cansu il y a 2 ans. Alors que j’ai plus de 4000km au compteur, c’est bien ces derniers là qui sont les plus durs ! À l’époque, n’ayant pas trouver de coin où dormir sur Havran, j’avais continuer à pédaler jusqu’au restaurant que tenait la famille de Cansu, juste avant leur village. C’est comme ça que je les ai rencontré, en demandant un coin pour dormir une nuit. Finalement, j’étais resté une dizaine de jours avec eux avant de reprendre la route pour Istanbul. Cette fois je sais donc où je vais. Je passe Havran, retrouve les petits shops sur le bas côté qui vendent les spécialités locales : miel, olives, huile d’olive, figues séchées. D’ailleurs les figues sont en train de sécher sur le sol. Mais les derniers kilomètres qui me séparent de Dereören me semblent interminables. 17km qui ne sont pas tout plat ! Dans mon souvenir ça paraissait beaucoup plus simple et rapide… Mais comme toujours j’y arrive (en partie car je n’ai pas le choix…). Je reconnais tout, et tourne à gauche direction Dereören, 3km. La petite route, le barrage, les champs, les jardins.. et le village !! L’émotion est grande. La maison de Nermin et Galip, les parents de Cansu, n’est pas loin de l’entrée du village, une fois le petit pont traversé. Il est 17h, je pose le vélo contre le portail, l’aventure en vélo s’achève ici… 

Mais le voyage est loin d’être terminé ! Je vais laisser le vélo dans la cour de leur maison pour maintenant profiter de la Turquie, de la vie au village, de Cansu, sa famille et leurs amis et surtout, de son mariage !!

Alors voilà, tout s’enchaîne. Pas le temps de faire le point sur mes deux mois et demi de vélo, ni sur tous ces kilomètres parcourus. Je ne prends pas encore conscience de tout ce que j’ai vécu en si peu de temps. Mais Komoot me donne les chiffres : 59 jours de vélo, plus de 4550 km parcourus, 35230 m de dénivelé positif… Impossible de faire un résumé. Comme toujours, l’aventure à vélo a été enrichissante, excitante, éprouvante. Mais c’est avec une petite fierté que je peux dire avoir rejoint la Turquie en vélo depuis mon petit village en France (Lozanne) pour la deuxième fois !! 

Rendez-vous au prochain épisode pour vous raconter la fin de l’aventure en Turquie et le mariage de Cansu et Emre. 

 

https://www.komoot.com/collection/3096470/-turquie-2024

2 thoughts on “Rendez-vous en terre connue : la Turquie, 2ème partie – 170 km

  1. Sais tu que ton arrière grand père paternel était dans Les Dardanelles pendant la première guerre mondiale ?
    Et que j’ai entendu dire que lorsqu’il est arrivé avec son régiment il avait l’impression d’y être déjà venu….

    1. Wahou non je ne savais pas du tout !! Il va falloir que je creuse là-dessus pour en apprendre plus !

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