Sur la route du retour : Serbie – 427 km

Petit passage en Bulgarie

La nuit dans le bus au départ d’Istanbul n’a pas été des plus reposantes ! 8h30 de route pour se rendre à Sofia, avec beaucoup d’arrêts empêchant toute possibilité de dormir. Le passage à la frontière entre la Turquie et la Bulgarie a été particulièrement long, attendant dehors dans le froid à une heure du matin. Nous arrivons vers 5h30 à Sofia, je n’ai pas envie de sortir du bus, je m’étais endormie. Maintenant je dois aller dans le froid et la nuit. Heureusement à la gare routière il y a un hall chauffé où je peux attendre que le jour se lève. Impossible de dormir, je dois garder un œil sur mes affaires et mon vélo. Je rencontre un couple Bulgare parlant français (installé depuis plusieurs années à Bordeaux). Elle me raconte son expatriation et leur volonté de revenir vivre en Bulgarie. Ils vivent à 5km de Sofia mais n’ont jamais visité la ville. Elle me donne une pièce pour que je puisse aller aux toilettes, je n’ai pas de leva, monnaie bulgare. Il n’est pas toujours facile de laisser ses affaires et son vélo en ville. Je fais donc confiance à ce couple en leur laissant mes affaires le temps d’une petite toilette dans les WC publics. 

Personne ne m’a « vendu » Sofia. Ce n’est pas la plus belle ville de Bulgarie. Je décide donc, une fois le petit-déjeuner pris, de visiter rapidement Sofia et de reprendre la route. Je commence aussi à avoir des picotements dans les jambes, elles veulent pédaler ! Et je fatigue des grandes villes. Je passe devant la cathédrale orthodoxe St Alexandre-Nevski, symbole de Sofia, qui rayonne sous ce beau ciel bleu. Je traverse les parcs avant de reprendre la route. Rouler à Sofia est tellement agréable, il y a des pistes cyclables ! Et le soleil aidant, je me suis plu à me balader dans cette ville. C’est reparti, je prends le nord de Sofia pour rejoindre la Serbie. Il y a environ 70km jusqu’à la frontière, ça sera mon objectif de la journée. C’est un vrai plaisir de repédaler. J’ai quitté soudainement l’été pour l’automne. Me voilà à rouler sur de petites routes – où il faut toujours être sur ses gardes pour toute rencontre inattendue avec des chiens errants – bordées d’arbres aux couleurs orangées. Je pourrais me laisser aller à la contemplation, sauf que me voilà à rouler sur des routes en pavés ! Interminables. Avec mon garde-boue qui ne tient pas et qui frotte la roue, ce n’est pas top. Et même quand je pense que c’est fini, il y en a encore. 20km comme ça. Alors quand je retrouve la route toute neuve et goudronnée pour arriver à la frontière serbe, mes bras et mes fesses me disent Merci ! Là, je savoure mon plaisir d’être à vélo et double la longue queue de voitures pour passer devant elles aux postes de frontière. Mon passage en Bulgarie fut très court, moins de 24h. Je vais passer plus de temps en Serbie.  

Arrivée en Serbie

Et ce soir je me chouchoute. Après une nuit affreuse et 70km dans les jambes, je suis exténuée. La nuit ne va pas tarder à tomber, pas de camping et pas le goût de bivouaquer. Je choisis la facilité et m’offre une chambre d’hôtel (30€ la chambre, c’est le prix d’une nuit en auberge de jeunesse en Italie…). Bon, je me rends compte que je viens de gagner une heure en passant la frontière, j’aurais pu pédaler un peu plus… Mais pas de regrets, car après un bon repas au réchaud dans ma chambre, une bonne nuit et un énorme petit-déjeuner (buffet inclus, je ne me suis pas privée !), le matin, je m’attaque à la fixation de mon garde-boue une fois que le soleil est sorti. Posée devant l’hôtel, je commence à réparer et regraisser mon vélo. Il n’a pas fallu longtemps pour que je tombe sur le propriétaire de l’hôtel. Dans sa belle grosse voiture, il me demande si j’ai besoin d’aide. Je décline gentiment, il insiste et il appelle son mécano – comment ai-je pu penser une seule seconde que lui en chemise repassée allait venir se salir les mains. Il repart et me propose de se retrouver dans 30minutes à son retour pour prendre un café. En attendant je me retrouve avec 2 gars qui ne parlent pas un mot d’anglais. Avec le sourire, ils prennent le temps de me fixer le garde-boue. Vélo fixé, je retrouve le patron au restaurant de l’hôtel. Assis à sa table, nous partageons seulement un café, il passe son temps au téléphone. Il a aussi une entreprise de transport et ce matin, un de ses camions en partance pour la Russie est bloqué à la frontière avec la Géorgie. Il me confirme que depuis la guerre en Ukraine, c’est très compliqué pour les routiers de rouler dans les pays voisins. Je laisse cet homme d’affaires qui m’a gentiment offert de rester une nuit supplémentaire gratuitement. Mais je dois être à Venise dans 13 jours. Je dois donc avancer ! Il est déjà 11h, je ne traîne plus. Les jours sont de plus en plus courts et je viens déjà de perdre 3h de soleil ! Je quitte Dimitrovgrad pour aller en direction de Niš. J’ai repéré un coin où bivouaquer juste avant la ville. 90 km m’attendent. Il fait beau et bon, peu de trafic sur la route, tout plat, mon premier jour en Serbie est très agréable ! Je passe par les gorges de Sićevo le long de la rivière Nišava en fin de journée. Ça se rafraîchit mais quel bonheur de passer entre ces roches et ces tunnels. Ça redonne de l’énergie pour finir la journée et arriver au parc où je vais passer la nuit. Il y a encore un peu de monde, enfants, joueurs de basket, pécheurs… Je m’isole pour faire un brin de toilette à la rivière, l’eau est gelée ! Je dine sur les tables en bois à la lumière du lampadaire vers les joueurs de basket. Une soupe en sachet et un thé pour me réchauffer. La nuit est tombée, le froid s’est installé, je me retrouve seule. Il est 20h, il est temps d’installer mon lit pour la nuit. 

Et quelle nuit ! Malgré la couche de feuilles mortes, la couverture de survie, le drap de soie, le duvet et les chaussettes en laine, j’ai eu froid ! Je pense qu’il devait faire entre 8 et 10° degrés. Je me rends bien compte que je ne suis pas résistante au froid. A peine mis le nez dehors, je ne sens plus le bout de mes doigts. Tout est froid et humide. Ouf le soleil sort rapidement, ça réchauffe la tente et moi ! Bon la journée ne commence pas très bien, à peine 20 minutes de vélo, je passe un petit trottoir trop vite : une de mes sacoches arrière se détache et vient taper sur ma roue, un de mes rayons casse. Réparation de fortune avec du scotch en attendant un magasin de vélo. Mais je suis dans la campagne serbe, autant dire qu’il va falloir pédaler encore un peu avant d’en trouver un. Maintenant je fais attention à chaque nid de poule (et il y en a !) pour ne pas casser la roue. J’ai l’impression d’avoir fait un bond dans le temps. Les voitures sont d’époque tout comme les jeux pour enfants dans les parcs. La Serbie reste très rurale. Je profite du paysage mais ne m’attarde pas trop. J’ai trouvé un camping pour ce soir le seul hic c’est qu’il est à 100km de Niš. Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de camping en Serbie malheureusement. Alors quand j’en trouve un, je fonce. Je ne m’attarde pas trop donc, car les heures tournent, la pression de la nuit monte. Quelques longues lignes droites sur la fin, les 3 derniers km à la frontale, je suis tellement contente d’arrivée au camping Plum. Un camping à la ferme, très calme en ce mois d’automne. Je suis accueillie par Alexander qui me propose spontanément de dormir dans la petite cabane qu’il retape pour le même prix que sous la tente. Lui qui a 3 filles, ne voudrait pas qu’elles dorment dehors par ce temps. Rapide douche, petite lessive, puis une soupe chaude dans ma petite cabane et un lit bien chaud, ce soir c’est le luxe (si on ne regarde pas les petites bêtes qui dorment aussi dans la cabane). 

Ce matin, je prends le thé avec Alexander. Je suis ravie de cette rencontre, j’en apprends davantage sur la Serbie, sur son camping, ses productions d’alcool de prune (j’en aurais bien pris sur mon vélo !), et bien d’autres choses. La journée commence bien. Le soleil met du temps à se lever, je commence à pédaler dans le brouillard. Mais une fois sortie, il fait chaud ! Je n’ai jamais autant croisé de tracteurs que ce jour-là. Tous me saluent, leurs sourires me font plaisir. Ma mission du jour était de trouver un magasin de vélo et réparer mon rayon. J’ai échoué, Google Maps m’a indiqué une ferme au lieu d’un magasin de vélo… Enfin je pensais avoir échoué. Mais ma soirée me réserve beaucoup de surprises. Moi qui ne savais pas où dormir ce soir, je rencontre Nikola à la sortie d’une supérette. Là j’aurais dû me fier à ma première impression, le remercier gentiment pour son invitation à dormir chez lui et reprendre la route. Au lieu de ça, je me rends chez lui, j’ai rencontré aussi son voisin, un retraité qui a travaillé 30 ans à Paris parlant très bien français, qui me rassure. Mais dès que je mets un pied dans la maison de Nikola, je regrette mon choix. Je n’ai jamais vu une maison aussi sale, l’odeur est tellement désagréable. Lui ne me met pas plus à l’aise. Il parle très bien anglais. Le bon côté c’est que je ne vais pas passer la soirée seule avec lui, il me promène avec sa voiture à droite et à gauche rencontrer ses amis. Le mauvais côté c’est qu’il insiste pour réparer mon vélo. On confie donc ma roue arrière à un de ses amis mécano qui va la garder pour la nuit. Donc impossible de m’enfuir avec mon vélo (je gardais ce plan dans ma tête, on ne sait jamais…). Bon au final, la nuit s’est très bien passée bien que je ne fus pas sereine. Le lendemain, avec cette odeur de cigarettes mélangée à d’autres mauvaises odeurs, je n’en peux plus, je veux partir au plus vite. Raté. Le mécano a bien réparé mon rayon mais n’a pas réussi à remettre mon pneu. On s’y affère avec Nikola, mais nous n’y arrivons pas. En me donnant des ordres et en insinuant que moi en tant que femme je n’y arriverai pas, je commence à m’agacer contre lui, en anglais. Finalement, lui non plus n’y arrive pas, on va chez un autre ami mécano que j’ai rencontré la veille. Lui très sympa, à l’aide de bons outils, et à 3 sur mon vélo, finissent par remettre mon pneu sur la roue ! J’accepte volontiers un café pour me détendre avant de reprendre la route. Il est 10h passé, j’ai plus de 70km pour aller à Belgrade et la nuit tombe à 16h. Nikola m’accompagne jusqu’à la route principale, je crois que je n’ai jamais été aussi contente de me retrouver seule. Après cette soirée très spéciale, je suis ravie de reprendre la route. Du plat, des routes serbes – il faut éviter les trous, une pause déjeuner au bord du Danube, des montées, et ça y est j’arrive à la capitale. J’ai repéré en ligne une auberge de jeunesse qui accepte les vélos, je m’y rends. 

Belgrade

Très bonne ambiance, pas très grande. Je savoure ma douche après ces deux derniers jours. Maintenant c’est repos. Je prends le thé avec un russe. Encore une rencontre qui marque. Lui est ingénieur informatique. Il est en Serbie depuis quelques mois, il a trouvé un emploi ici, il est à la recherche d’un appartement pour pouvoir faire venir sa famille. Il fuit la Russie, car pour le moment les ingénieurs ne sont pas encore appelés au combat, mais il sait que ça va venir. Difficile d’imaginer être en 2022 et rencontrer des personnes touchées d’aussi près par la guerre.  

Souhaitant dîner serbe, je suis les conseils du réceptionniste et me rends dans un restaurant un peu touristique. Les prix sont bien élevés, je suis un peu déçue mais n’est pas la force de chercher un autre endroit. J’aurais du. Encore pas remise de ma rencontre fortuite de la veille, je m’assois seule à une table. A côté, dine un homme d’une cinquantaine d’années. Je lui demande juste si c’est bon, il me dit oui, et me propose de dîner avec lui. Pourquoi pas. Il est italien vivant à Genève parlant très bien français. Nous discutons. Tout se passe bien, il m’offre mon plat, Pljeskavica – burger populaire en Serbie – puis me propose d’aller boire un verre, c’est Halloween, dans le bar d’à côté tout le monde est déguisé. Pourquoi pas. A peine je me lève qu’il me regarde de haut en bas, et me répète qu’il est ravi de m’avoir rencontrée, que ça se voit que je fais du vélo… Je sens la lourdeur arriver. Et ça n’a pas manqué, il boit et devient insistant. Je décide de rentrer. Je suis fatiguée, de ma journée de vélo mais aussi de ces hommes. Heureusement il n’est pas dans la même auberge que moi. Je suis de nouveau heureuse de me retrouver seule. 

Je reste une journée à Belgrade. Avant de profiter de la ville, je veux trouver un moyen pour m’avancer en Croatie. Nous sommes déjà le 31 Octobre, j’ai rendez-vous dans 9 jours à Venise, ça va être juste – avec du recul j’aurais pu le tenter ! Le train est très peu développé malheureusement dans cette partie de l’Europe,  je tente le bus. A la gare routière, je m’informe, en précisant bien que j’ai un vélo avec moi. L’agent de réservation m’informe : « you can or you can not »… C’est au bon vouloir du chauffeur de bus. OK, ça me rassure beaucoup. Il faudra être force de persuasion le lendemain matin donc. En attendant, je découvre Belgrade : place de la République, l’église Saint-Sava – une des plus grandes églises orthodoxe au monde, et possède la plus grande mosaïque en coupole au monde. Très récente, sa construction a commencé en 1939 et l’intérieur est toujours en travaux. C’est donc magnifique à l’intérieur, tout en dorure, mais à la fois très bruyant. Je voulais aussi visiter le musée d’Histoire de la Yougoslavie mais malheureusement le lundi le musée est fermé. A la place j’erre dans les rues et les parcs au bord du Danube. Je termine cette dernière journée en Serbie avec une French touch. Je rencontre une française à mon auberge qui me propose d’aller faire un quiz spécial halloween dans un bar. Ni une ni deux, je mets mes plus beaux habits (un pull et un legging, à vélo la garde robe est un peu limitée…). Ce soir nous faisons équipe avec deux français en week-end à Belgrade. Superbe soirée cosmopolite, où il fait bon de rire en français – et nous ne terminerons pas dernier ! La nuit va être courte, demain je prends le bus tôt pour Zagreb…  

https://www.komoot.fr/collection/1918793/-serbie

One thought on “Sur la route du retour : Serbie – 427 km

  1. Ça avance, tu seras bientôt à Venise (en écriture)👍😉!
    Toujours content de lire tes aventures.
    Gros bisous 😘.

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